Le 8 mai 2025, la Mauritanie a franchi un tournant stratégique. Ce jour-là, le président Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani a inauguré à Nouakchott le centre d’hébergement de données numériques, un data center Tier III certifié, fruit d’un financement de 15 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI), dans le cadre du programme WARCIP.
Derrière cette infrastructure discrète mais puissante se cache un bouleversement fondamental : le passage de la Mauritanie vers une gouvernance de la donnée structurée, souveraine et interconnectée. Et c’est une excellente nouvelle pour les investisseurs, les institutions, et pour les citoyens.
De l’infrastructure numérique à la souveraineté digitale
Le data center de Nouakchott n’est pas un bâtiment technique de plus. Il marque le début d’une nouvelle ère : celle où les données économiques, sociales, fiscales et administratives peuvent enfin être hébergées localement, de manière sécurisée, certifiée, fiable. Un Tier III, c’est la promesse d’une disponibilité supérieure à 99,98 %, d’un hébergement attractif pour les entreprises privées comme pour les institutions bancaires, et d’un socle numérique pour une administration digitale.
Ce centre sera opéré par International Mauritania Telecom (IMT), regroupant les trois opérateurs nationaux aux côtés de l’État via Mauripost. Il est la pierre angulaire d’une ambition régionale : faire de la Mauritanie un hub de connectivité ouest-africain, en s’appuyant sur les dorsales optiques financées par la Banque mondiale, et le double raccordement aux câbles sous-marins ACE et Ellalink.
Gouverner par la donnée : une transformation portée par l’ANSADE et l’ANSIE
Le succès de cette révolution repose aussi sur les institutions qui font vivre cette donnée. L’ANSADE, bras armé de la statistique nationale, s’est engagée dans une modernisation profonde de ses méthodes, avec l’ambition de produire des indicateurs macroéconomiques, sociaux et territoriaux plus fréquents, plus fiables, plus utiles.
Les publications récentes sur l’emploi, la pauvreté, ou les performances des secteurs productifs montrent que le savoir statistique mauritanien monte en qualité, et se structure pour accompagner à la fois les politiques publiques et les initiatives privées. Pour un investisseur, c’est la possibilité de mieux cerner le marché, d’analyser les risques, de structurer ses hypothèses. Pour l’État, c’est un outil d’arbitrage et de priorisation.
Quant à l’ANSIE, elle ne se contente pas d’assurer la maîtrise d’œuvre technique. Elle porte une vision : celle d’un État plus interconnecté, plus rapide, plus transparent. Elle relie les bases, normalise les formats, sécurise les échanges inter-administratifs. Un rôle fondamental, souvent ignoré, mais essentiel pour faire émerger une gouvernance numérique unifiée.
Houwiyeti et Khadamaty : les piliers numériques de la transparence
Les citoyens aussi sont au cœur de cette transformation.
Grâce au système Houwiyeti, chaque citoyen mauritanien dispose d’une identité numérique sécurisée, garantissant l’accès unique aux services publics et empêchant la fraude ou la duplication des identifiants. Cette avancée technique permet de croiser les données entre ministères, de mieux cibler les politiques sociales et d’automatiser l’éligibilité à certaines aides.
De son côté, le portail Khadamaty centralise l’accès à des dizaines de services administratifs en ligne. C’est un gisement d’efficacité, mais aussi une mine d’information : derrière chaque clic, chaque demande, se dessine une carte dynamique de l’interaction entre les citoyens et l’administration.
Et maintenant ? Structurer un portail économique unifié et ouvert
Toutes les briques sont là : le stockage, l’identité, les services, les statistiques. Ce qu’il manque encore, c’est une passerelle économique centralisée et ouverte, un “Mauritania Data Portal” capable d’agréger :
- Les données sectorielles et régionales,
- Les indicateurs logistiques, commerciaux, fiscaux,
- Les appels d’offres, les investissements, les dynamiques territoriales.
Un outil pensé pour les investisseurs, chercheurs, journalistes, porteurs de projets, et qui permette à la Mauritanie de devenir lisible, crédible et compétitive dans la bataille des flux de capitaux et d’innovation.
Ce que nous vivons aujourd’hui en Mauritanie n’est pas qu’une mise à niveau technique. C’est une mutation silencieuse mais décisive. Gouverner par la donnée, ce n’est pas seulement moderniser l’État — c’est aussi inspirer confiance, attirer l’investissement, accélérer les politiques publiques.
La donnée n’est plus un outil accessoire. Elle devient une ressource stratégique, à l’image du poisson, du fer ou du gaz.
Et bonne nouvelle : cette fois, nous sommes en train d’en prendre conscience.