Le Soleil mauritanien, une énergie dormante

La lumière ne manque jamais en Mauritanie. Ce pays désertique, bordé par l’Atlantique et traversé par les vents du Sahara, est l’un des territoires les plus ensoleillés du monde. Pourtant, en 2025, une grande partie de cette énergie reste suspendue dans l’air, inexploitable faute d’infrastructures, de financements ou de modèles adaptés.

Mais ce sommeil énergétique touche à sa fin. Depuis quelques années, la Mauritanie amorce une transformation silencieuse : l’ère des grands projets fossiles laisse place à une ambition nouvelle, portée par le solaire. Et avec elle, une série d’opportunités pour les investisseurs les plus stratèges.

Le soleil comme ressource stratégique

La ressource est là, brute, abondante, quasi inépuisable. Avec plus de 3 200 heures de soleil par an, une irradiation moyenne supérieure à 2 200 kWh/m²/an dans la majeure partie du territoire, et une densité de population parmi les plus faibles du continent (à peine 5 hab./km²), la Mauritanie est naturellement positionnée pour accueillir des projets solaires à grande échelle, sans conflit foncier ni saturation.

Les régions du Trarza, du Tagant, de l’Adrar et de l’Assaba présentent des taux d’ensoleillement parmi les plus élevés d’Afrique de l’Ouest. La présence d’immenses étendues plates, de plaines désertiques, de zones pastorales peu utilisées à des fins industrielles ou agricoles, constitue un avantage géographique et opérationnel rare.

Une dynamique en pleine accélération

La Mauritanie a franchi un cap. En janvier 2024, la Banque africaine de développement a validé un financement historique de 289,5 millions USD pour renforcer le transport et la production d’énergie solaire dans le pays. Ce financement soutient notamment le projet RIMDIR, qui prévoit l’installation de mini-centrales solaires hybrides dans 40 localités rurales isolées du sud-est — des zones encore aujourd’hui sans accès stable à l’électricité.

Parallèlement, dans le cadre de l’initiative Desert to Power, une centrale solaire de 50 MW est prévue à Kiffa, à l’est du pays, avec à terme une interconnexion de 225 kV vers le Mali. Cela ouvre des perspectives régionales pour l’export d’énergie verte, avec des revenus potentiels à long terme.

À Tasiast, la multinationale Kinross a investi 55 millions USD dans une centrale solaire de 34 MW, destinée à alimenter sa mine d’or. Ce type de modèle — sites industriels autonomes en énergie — est appelé à se multiplier, notamment dans l’agriculture et le tourisme.

Zones hors-réseau : des marchés dormants

Une large part du territoire reste hors du réseau national. Plus de 45 % de la population rurale n’a pas accès à une électricité stable, et dans certaines régions comme le Hodh El Gharbi ou le Guidimakha, les communes dépendent de générateurs thermiques onéreux ou de solutions précaires.

Lexeiba I, par exemple, subit des coupures chroniques. Moudjéria, dans le Tagant, fonctionne parfois sans électricité durant plusieurs jours. Ain Farba, Néma, Amourj : autant de localités où l’électricité solaire décentralisée peut devenir un facteur de transformation.

Les besoins en électrification rurale couvrent :

  • des systèmes autonomes pour écoles, centres de santé, bâtiments administratifs ;
  • des mini-grids pour villages entiers, avec tarification intelligente et maintenance locale ;
  • des solutions mobiles ou conteneurisées pour zones pastorales mobiles et marchés temporaires.

Quand le solaire irrigue l’agriculture

L’agriculture mauritanienne reste faiblement mécanisée, dépendante des pluies, et concentrée autour de la vallée du fleuve Sénégal. Pourtant, le potentiel d’irrigation solaire est immense.

À Tekane, une pompe solaire de 33,6 kWc permet désormais l’irrigation de 40 à 50 hectares de cultures maraîchères, en éliminant les coûts de carburant et les interruptions de service.

De telles installations peuvent être répliquées dans les oasis du Tagant et de l’Adrar, dans les zones agricoles expérimentales du Gorgol, ou dans les périmètres en cours de structuration au Hodh El Chargui.

Idées d’investissement agri-solaire :

  • Micro-fermes maraîchères irriguées par pompes solaires ;
  • Froid solaire pour la conservation des récoltes dans les coopératives rurales ;
  • Unités de transformation (presses, moulins) alimentées à l’énergie solaire ;
  • Serres solaires combinées à des technologies de goutte-à-goutte.

Tourisme durable et autonomie énergétique

Le désert mauritanien attire de plus en plus les amateurs de tourisme d’aventure, d’astronomie et de culture nomade. Le problème ? Le manque d’infrastructures de base, en particulier l’électricité.

Les camps de l’Adrar, les oasis de Chinguetti et de Terjit, ou encore les sites historiques de Ouadane et Tichitt, pourraient bénéficier de solutions solaires autonomes, rendant les lodges autosuffisants, tout en respectant l’environnement fragile des zones traversées.

Pistes d’investissement solaire pour le tourisme :

  • Lodges écologiques 100 % solaires avec batteries intégrées ;
  • Réseaux d’éclairage public solaire dans les zones classées ;
  • Stations de recharge solaire pour véhicules électriques ou hybrides dans les circuits touristiques du nord ;
  • Infrastructure solaire pour zones franches à vocation touristique (comme Nouadhibou ou les côtes du Banc d’Arguin).

Un écosystème en structuration

Le pays attire désormais des partenaires techniques crédibles, des cabinets d’ingénierie, des start-up en énergie décentralisée, et des ONG qui facilitent l’ancrage local. La demande croissante en compétences techniques offre également des opportunités dans la formation professionnelle, la maintenance locale et la fabrication partielle de composants solaires simples (supports, armoires électriques, etc.).

La transition énergétique mauritanienne ne sera pas une copie de celle des autres pays. Elle sera multiple, décentralisée, et fondée sur les spécificités du territoire : faible densité, mobilité pastorale, besoins primaires non couverts, et une jeunesse avide de solutions locales.

Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas seulement de produire de l’énergie. C’est de créer des modèles. D’alimenter des chaînes de valeur. De structurer des territoires entiers autour d’une ressource omniprésente mais encore inutilisée.

Pour ceux qui savent lire les signaux faibles, les zones blanches de la carte énergétique mauritanienne sont peut-être les plus porteuses. Là où il n’y a rien aujourd’hui, tout est encore possible.

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